1 mai 2009

Parce que ça fait du bien de le dire.

Mardi, il y avait un reportage sur Sébastien Clerc, déclaré "superprof", ayant inventé LA méthode pour venir à bout des classes les plus récalcitrantes. Alors je suis restée devant ma télé, parce que ça m'intéressait vachement de réussir à avoir le silence pour une fois, pour voir ce que ça fait. J'ai supporté le reportage sur les drogués à la cocaïne, puisqu'apparemment c'est tellement courant les jeunes qui se droguent à la coke... Je me sens super ringarde d'un coup. A 15 ans, je n'avais jamais bu une goutte d'alcool et je considérais les fumeurs de joints comme de dangereux drogués, à regarder de loin. Evidemment, les temps ont changé et maintenant une soirée de collégiens sans alcool, c'est trop la teuhon (d'ailleurs, je pense que dire teuhon, c'est aussi la teuhon) mais la cocaïne tout de même! A 13 ans, un paquet de clopes à 1,80 euros, c'était trop cher pour moi alors même si on nous dit que le gramme a bien baissé, que maintenant tout le monde peut en consommer, je peux confirmer que jamais je n'aurais eu 60 euros pour une soirée! Mais je suppose que même les pauvres ont changé, puisque même 60 euros aujourd'hui c'est rien...

J'ai aussi supporté un reportage sur les gamins qui jouent au catch. Passons. Est arrivé LE sujet que j'attendais depuis le début de l'émission, soit depuis plus d'une heure (d'ailleurs pourquoi cette émission s'appelle-t'elle 66 minutes alors qu'elle dure plus de 2h?!). Sébastien Clerc est donc un super prof et a trouvé LA méthode pour se faire respecter et faire des cours - presque - parfaits. On commence par voir sa préparation : chaque matin, Sébastien Clerc se fait le petit-déjeuner de la mort. Oui, il se prépare comme un sportif de haut niveau, dit la voix-off. Il carbure au thé et nous explique que c'est meilleur que le café. Je ne bois pas de café mais je note. Plus de vodka au petit-dej. Puis on le voit en classe. On ne va pas employer d'euphémisme : dans sa classe, c'est le bordel. Total. Personne n'écoute, ça envoie des sms dans tous les sens, les élèves se permettent d'envoyer chier le superprof, personne ne suit, personne ne bosse. Ah ah, je jubile : "C'est encore pire que chez moi!". Et j'attends qu'il montre ses méthodes pour que la classe se calme et qu'on soit tous scotchés, genre : "Ouah, trop fort ce mec, j'achète son bouquin dès demain!".

Et en fait rien. C'était ça son cours trop parfait qui se passe super bien. Alors oui effectivement les élèves ne le frappent pas, ne le poignardent et ne lui balancent pas des cartouches d'encre (il a dit que c'était le cas à ses débuts, perso je ne connais personne à qui c'est arrivé mais passons) mais ça reste loin du cours parfait pour moi. Je suis peut être une super-super-prof du coup. Je devrais peut être vendre des bouquins aussi avec mes conseils. Parce que même si je ne suis pas dans le 9-3 (apparemment, il n'y a que dans le 9-3 que ça craint sa race), j'ai quand même des classes difficiles et qui feraient passer la classe d'Entre les Murs pour une classe de Bisounours. Et ils m'écoutent (parfois).

On voit ensuite Superprof faire ses cours en étudiant un texte de rap. Dont le vocabulaire frôle le néant, mais que les élèves comprennent (enfin!) et dont ils essaient de faire une analyse. Alors je suis peut être la personne la plus ringarde qui soit, avec les idées les plus rétrogrades mais honnêtement, jamais je ne me résoudrai à faire ce genre de travail (ok en maths, c'est assez difficile de s'appuyer sur un texte de rap). Jamais ces élèves ne connaitront autre chose que le rap qu'ils écoutent à longueur de journée et même s'ils s'en fichent, n'écoutent pas, je trouve que c'est un devoir d'essayer de leur faire connaitre autre chose. Même s'ils n'en retiennent pas grand chose.

De même, Sébastien Clerc, dans ses conseils généreux, nous apprend que lorsque des élèves arrivent en cours avec des écouteurs et casquettes, c’est à nous de "bien leur parler, de bien les saluer afin de leur donner envie de les retirer". Et là, j'avoue avoir explosé devant ma télé (ce qui m'a valu d'ailleurs de vifs reproches de ma moitié qui aime bien regarder la télé sans jamais émettre le moindre commentaire mais lui, il est pas prof, il peut pas comprendre). Bien sûr! Quelle idée d'exiger ce genre de choses! Je salue tous les matins mes élèves par un "Bonjour à tous! Asseyez-vous!" (oui dans le privé, les élèves attendent le signal pour s'assoir et c'est drôlement pratique pour avoir le silence 5 secondes dans le cours parce que ma règle c'est : "Tant qu'il y a du bruit, vous ne vous asseyez pas") mais si l'un d'entre eux a une casquette ou son portable dans les mains, le cours ne commence pas. "Leur donner envie de le retirer..." Je me tamponne un peu de leur "envie" de retirer leur casquette, je leur demande sans les agresser (car comment demander du respect si l'on n'en a pas soi-même pour les élèves) mais je n'attend pas leur envie.

Quant à l'histoire du plan de classe, dans le privé, chaque prof principal fait le plan de classe et les élèves restant dans leur salle, ils l'appliquent à chaque heure. Donc son conseil, ça fait quand même bien longtemps qu'il est appliqué. Mais merci pour le conseil.

Autre débat : le vouvoiement des élèves. Il dit que c'est la base du respect et je ne suis pas d'accord. J'ai toujours respecté mes parents que je tutoie. Des élèves m'ont manqué de respect et pourtant me vouvoyaient. J'avoue ne pas pouvoir vouvoyer mes élèves. Ca mettrait une distance que je n'assumerais pas. J'appelle aussi mes élèves par leur prénom quand des collègues aiment bien appeler par le nom de famille. Honnêtement, c'est une question de feeling et je pense qu'il n'y a pas de méthode pour réussir de ce point de vue là. Chacun fait comme il le ressent.

C'est d'ailleurs ce qui m'a gêné dans ce reportage. On donne des conseils alors qu'il n'y a pas de classe type. Je n'ai jamais eu le même genre de classe (ou d'établissement) en 5 remplacements effectués. Donc je n'ai jamais appliqué les mêmes méthodes, même si la base reste la même. Ce qui m'a (quand même) fait rire, c'est de voir ce prof se filmer pour "répéter" ses cours. Il avait l'air tellement gauche, tellement mal à l'aise. Et je me suis dit que je ne voudrais pas avoir l'air de ça, après 9 ans d'enseignement. Je n'ai même pas l'impression d'être si angoissée que lui, après seulement trois ans d'"expérience". Bref, un reportage qui ne sert à rien. Et qui m'a rappelé les quelques réunions type IUFM que j'avais pu suivre l'année de préparation du concours. On entendait des gens nous dire qu'il ne fallait pas diminuer les élèves, les valoriser... alors que moi, je n'avais qu'une envie en faisant ce métier : leur hurler dessus, les humilier, les menacer d'un cutter (mais depuis j'ai appris qu'en fait, il ne fallait pas) et surtout ne jamais les encourager.

Mais j'avoue que pour moi, le métier de prof, ça ne s'apprend pas. On le ressent ou on ne le ressent pas. Même si évidemment, les conseils (nombreux) sont les bienvenus. Mais si on en est à noter qu'il ne faut pas juger un élève et lui dire qu'il est nul (j'ai vu des étudiants noter ça fébrilement sur leur petit carnet, genre "Ah bon? Tiens, faut pas que j'oublie ça"), c'est que peut être, on n'est pas tout à fait fait pour ce travail. Parce que des situations pour lesquelles on n'aura eu aucun conseil, on en vivra tous les jours. Et là, il faudra ce débrouiller avec la seule chose qu'on possède : notre feeling.

4 commentaires:

  1. Mince, j'ai pas vu cette émission...
    J4aurais bien aimé, vu comme tu racontes, ça avit l'air drôle (enfin, le gren qui m'aurait fait rire quoi ;o))

    Bon courage, visiblement, tu es une prof "bien"!!

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  2. Merci de ton commentaire que je ne vois que maintenant. On fait ce qu'on peut hein! ;)

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  3. Je suis complètement d'accord avec toi, j'ai même explosé au même moment.
    Je suis dans le public, mais moi aussi je permet aux élèves de s'assoir uniquement lorsque le silence est là. Il m'est même arrivé de faire sortir une classe et de lui demander de rentrer à nouveau dans la salle en se comportant comme des élèves et non pas comme un troupeau de pachydermes. Je pense que je vais écrire un livre pour raconter cette expérience :-)
    En gros, dès qu'on arrive à se faire respecter dans sa classe on est un super prof si j'ai bien compris? Et bien ça fait un paquet de super profs en France alors!
    J'ai beaucoup aimé ton post, ça fait toujours du bien de voir qu'on est pas seuls.

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  4. Eh eh eh mais j'ai trooop des copines qui viennent sur ce blog ^^

    Sébastien pue du cul et nous on cartonne. Point barre. ;-)

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